Les 4 et 5 octobre 2021, le Conseil d’Etat italien et l’ACA-Europe ont organisé le séminaire « Droit, tribunaux et lignes directrices pour l’administration publique » à l’Institut universitaire européen de Fiesole, en Italie. Le « dialogue horizontal » est le leitmotiv – le fil rouge – choisi par la Présidence italienne pour sous-tendre l’organisation des sessions et analyser les principales tendances qui se sont dégagées des réponses au questionnaire fournies par les États membres. Ce leitmotiv a également guidé les deux journées de travail à Fiesole. |
La première session, consacrée à « La méthode d’interprétation de la loi et son application par les juridictions », a permis d'explorer les rapports entre interprétation et législation dans les différents États membres. La plupart des pays ont leurs propres critères, largement fondés sur la loi, et ils utilisent des principes généraux et des clauses générales, telles que la proportionnalité et la nécessité, pour interpréter l’esprit de la loi. Le concept essentiel qui s’est dégagé de la session a été « la certitude de la règle », c’est-à-dire la certitude juridique. Il est clairement apparu lors de la discussion entre tous les États membres participants que la mission des CAS n’est pas de légiférer, mais de réduire les conflits et de favoriser la prévisibilité.De même, c’est la nécessité d’éviter une « loterie judiciaire » qui est la plus fortement ressentie par les citoyens et les entreprises : la perte de la primauté de la législation traditionnelle, accélérée de manière exponentielle par la crise sanitaire, a amené les Cours administratives suprêmes à réfléchir sur l’importance d’assurer la cohérence et la prévisibilité du droit. La session consacrée à « L’impact des décisions de la juridiction administrative suprême sur le développement futur de l’activité administrative » a traité des relations entre le pouvoir judiciaire et l’administration. De manière générale, l’annulation d’un acte administratif par un juge contraint l’administration publique dans l’exercice ultérieur de son pouvoir dans tous les États membres. La question très délicate traitée au cours de la session a été celle de l’intensité du contrôle juridictionnel, étant donné qu’il implique, d’une part, les limites du pouvoir judiciaire lui imposant de respecter le pouvoir discrétionnaire de l’administration et, d’autre part, la capacité d’assurer une protection efficace des droits et des intérêts, vis-à-vis des autorités publiques. La troisième session a concerné la « Mise en application et exécution des décisions ». Les différences significatives entre les approches des États membres en ce qui concerne l’étendue de l’obligation postérieure à l’arrêt, ainsi que les conséquences du non-respect d’un arrêt de la CAS, ont été mises en évidence au cours de cette session. L’attention des participants et le débat animé qui s’en est suivi se sont focalisés sur les cas où la Cour ne s’est pas bornée à corriger un vice de forme, mais où elle a étendu sa compétence au fond de l’affaire. Dans de tels cas, l’administration doit à nouveau exercer son pouvoir dans les limites indiquées par le juge et dans les marges d’appréciation qui subsistent après l’arrêt. Après avoir entendu les différents points de vue et les différentes affaires soumises aux tribunaux, la conclusion unanime a été la nécessité de trouver un moyen d’exécuter les jugements, mais surtout celle de protéger les droits au moyen du contrôle des pouvoirs publics. La dernière session, intitulée « Le rôle consultatif de la juridiction administrative suprême et son impact sur l’action administrative », s’est focalisée sur le type d’avis émis par les Cours administratives suprêmes, principalement en matière de réglementation. Le débat a porté sur la différence entre l’avis donné « dans l’intérêt de l’administration publique » et l’avis donné « dans l’intérêt du droit ». Le second prévoit un contrôle juridique très similaire au contrôle judiciaire, même s’il est exercé ex ante et non ex post, et adopte l’indépendance qui caractérise la Cour prononçant un jugement. Conclusions : Les sessions et les débats animés qui les ont suivies ont contribué à donner un aperçu encore plus approfondi des méthodes de travail des juridictions administratives suprêmes, en mettant en évidence leurs différences, mais aussi leurs points communs. Nos systèmes juridiques sont très différents les uns des autres, mais pour le juge, le « fil rouge » est souvent le même : trouver le juste équilibre entre l’efficacité de la protection et la nécessité de respecter les frontières avec la législation et l’administration. Le séminaire de Fiesole offre un nouvel exemple des avantages à tirer de la poursuite et du renforcement de la pratique du dialogue horizontal. Celui-ci constitue en effet un moyen d’apprendre collectivement à assurer le développement d’une approche homogène du contrôle des pouvoirs publics, en garantissant les droits sur un territoire de plus en plus indifférent aux frontières nationales : un espace que nous appelons « espace européen commun ». |